Tribune parue dans L’Opinion, signée par Charles Aguettant, président EBAA France, Daniel Fasquelle, maire du Touquet Paris-Plage et Thomas Juin, président de l’Union des Aéroports Français

L’aviation d’affaires, l’un des piliers les plus dynamiques de notre filière aéronautique, traverse une tempête médiatique et politique.

Accusée d’incarner les excès d’une époque révolue, elle cristallise à elle seule toutes les critiques liées à l’urgence climatique. Mais cette stigmatisation aveugle passe à côté de l’essentiel : ce secteur est à la fois utile, innovant et vital pour l’économie française comme pour l’aménagement du territoire. Avec 250 000 mouvements annuels enregistrés en France, les vols d’affaires ne représentent que 9 % du trafic. En Europe, ce segment pèse environ 7 % de l’activité aérienne totale et génère près de 100 milliards d’euros. La France y occupe une position de leader incontesté : elle concentre à elle seule 25 % des emplois du secteur en Europe, soit près de 110 000 emplois directs et indirects. En 2021, les retombées économiques ont été estimées à 32,1 milliards d’euros pour notre seul territoire national. Ces chiffres ne sont pas anecdotiques. Ils traduisent l’ampleur d’un secteur à la fois performant, structurant et créateur d’emplois non délocalisables.

Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, l’aviation d’affaires n’est pas un caprice de milliardaires. Selon les données de l’EBAA Europe, Association européenne de l’aviation d’affaires, 75 % des vols sont d’ordre professionnel, 10 % sont liés à des missions sanitaires ou de sécurité civile, et seulement 10 à 15 % concernent des usages de loisirs. Ce sont des chefs d’entreprise, des chercheurs, des médecins ou des techniciens spécialisés qui ont besoin de relier en un temps restreint deux sites éloignés. C’est aussi, dans des dizaines de cas chaque semaine, le transport d’un organe pour une greffe, une évacuation médicale urgente, une mission d’intérêt général. Ces opérations ne peuvent pas attendre ni dépendre des lignes aériennes régulières ou d’autres modes de transports terrestres.

Et pour cause : 8 aéroports sur 10 en France ne sont pas desservis par des vols commerciaux réguliers. Sans l’aviation d’affaires, c’est toute une partie du maillage aéroportuaire quiserait condamnée à la fermeture. Ce serait un recul dramatique pour les territoires ruraux, les villes moyennes, les zones littorales ou montagneuses déjà trop souvent enclavées. Ce débat ne doit pas occulter l’enjeu écologique.

Oui, l’aviation doit se transformer. Et elle le fait déjà. L’aviation d’affaires est à la pointe de l’innovation : propulsion électrique, hybrides, carburants aéronautiques durables (SAF), infrastructures au sol bas carbone. Les professionnels de la filière ont pleinement intégré l’impératif climatique. Elle est d’ailleurs la première à s’engager dans la décarbonation en recourant aux SAF, pourtant quatre fois plus chers que le kérosène. Certaines compagnies vont jusqu’à en incorporer quinze fois plus que le seuil réglementaire européen de 2 %.

La surtaxation casse cette dynamique et freine les efforts concrets de transition du secteur. Lors des dernières Rencontres de l’Union des Aéroports Français et Francophones, tous ces enjeux ont été abordés par des professionnels mobilisés. Mais pour réussir, cette mutation abesoin de visibilité, d’investissements et d’un cadre fiscal stable. Certainement pas de taxes punitives aveugles, qui relèveraient davantage du symbole idéologique que de la stratégie écologique.

Faut-il encore rappeler que l’aviation d’affaires ne représente que 0,04 % des émissions mondiales de CO₂ ? Et si l’on devait taxer, alors faisons-le intelligemment, au profit d’un fonds dédié à la transition du secteur. En s’acharnant fiscalement sur ce secteur, la France se prive de la possibilité de jouer un rôle moteur dans la décarbonation mondiale, là où elle pourrait au contraire être un exemple à suivre. Car rappelons-le, l’aviation d’affaires a réalisé une excellente performance en réduisant ses émissions de CO2 et sa consommation de carburant de 40 % au cours des 40 dernières années.

Au moment de l’ouverture du Salon du Bourget, vitrine mondiale de l’innovation aéronautique, nous en appelons solennellement au Président de la République, au gouvernement et à l’ensemble des parlementaires : accompagnez cette filière dans satransition énergétique au lieu de l’accabler. Donnez-lui les moyens de se transformer, au lieu de la condamner économiquement. Une aviation française plus propre, plus agile et plus responsable ne se fera pas sous la contrainte, mais par l’investissement, la recherche, l’accompagnement et la confiance.La France a besoin d’une aviation d’affaires performante, connectée aux territoires, actrice de l’innovation, au service de son tissu économique. La condamner, c’est affaiblir un levierde compétitivité nationale et une capacité stratégique au moment même où nous avons besoin d’agilité, de souveraineté et de cohésion.

Casser un outil de développement des territoires, non !

Accompagner sa transformation énergétique, oui !