Entretien de Paul Tiba, directeur général d’Airlec Air Espace avec ITIJ (International Travel & Health Insurance Journal) au sujet de l’innovation dans la flotte, de l’excellence clinique et de la stratégie opérationnelle qui sous-tend le succès international de son entreprise dans le domaine de l’évacuation sanitaire.
Retrouvez cette interview en anglais sur le site IJTJ ! En voici la traduction en français.
Vous avez supervisé l’introduction du Falcon 900EX dans une configuration médicale d’urgence, une première dans l’industrie. Quels enseignements stratégiques et opérationnels Airlec Air Espace a-t-elle tirés de cette mission, et comment cela a-t-il influencé votre trajectoire de croissance ?
Avec le Falcon 900EX, notre ambition était claire : devenir le fournisseur de solutions incontournable pour les missions que d’autres ne peuvent pas réaliser. Cet état d’esprit a façonné l’identité d’Airlec.
De nombreuses missions comportent des contraintes (distance, piste, météo, état du patient) et pourtant, le patient doit être transporté en toute sécurité. Le Falcon nous permet d’aller plus loin : triple redondance au niveau des réacteurs, grande autonomie, cabine spacieuse et flexibilité pour adapter entièrement la configuration à des scénarios complexes.
Le Falcon est vraiment un outil formidable pour tous nos partenaires.
Airlec a obtenu ses premières accréditations EURAMI (European Aero-Medical Institute) pour les soins médicaux en avion dans les domaines des soins aux adultes, aux enfants, aux nouveau-nés et des soins intensifs avancés. Comment ces étapes importantes ont-elles façonné vos normes cliniques et différencié votre offre de services ?
L’obtention des accréditations EURAMI pour l’ensemble des soins nous a obligés à affiner chaque détail de nos processus cliniques. Cela a validé des années d’expérience, à travers des protocoles, des formations, de la coordination et de la documentation.
Cela a également renforcé notre position auprès de nos partenaires qui ont besoin de pouvoir compter sur des normes cohérentes à l’échelle mondiale. EURAMI reconnaît en nous la capacité de gérer tous les types de patients.
Cependant, je dois dire que je suis déçu que le volet aviation de notre secteur soit devenu secondaire dans les cadres d’accréditation. En tant que pilote et opérateur, je plaide en faveur de véritables normes aéronautiques, et pas seulement d’une approche « tout le monde est au standard ». À mon humble avis, la sécurité aérienne devrait être traitée avec la même précision que les soins cliniques.
Le rapatriement simultané de deux patients atteints de Covid-19 a souligné la capacité de votre équipe à mener à bien des missions complexes. Quelles ont été les principales adaptations opérationnelles et de sécurité mises en place en réponse au Covid-19 ?
Nous sommes en fait allés beaucoup plus loin : nous avons transporté simultanément jusqu’à quatre patients atteints de Covid-19 réanimatoires sur des vols long-courriers.
Aucune adaptation radicale n’a été nécessaire. Nous avons simplement mis à profit notre expertise en matière de gestion des maladies hautement infectieuses, suivi les données scientifiques et consulté les meilleurs scientifiques. C’est pourquoi nous avons pu, dès le premier jour, en mars 2020, mener des opérations en « open cabin ».
Nous n’avons pas improvisé ; nous avons fait confiance à la science. Cette approche s’est avérée efficace et sûre tout au long de la pandémie.
Vous avez récemment lancé un deuxième Hawker 900XP pour les opérations d’évacuation sanitaire. Qu’est-ce qui a motivé cet investissement et comment gérez-vous l’intégration de nouveaux équipements sans compromettre la préparation aux missions ?
C’est un avion récent, configuré pour le transport de patients ICU, et, à mon avis, l’ambulance aérienne la plus polyvalente actuellement disponible.
Je l’ai même piloté lors d’un tour du monde complet. Il offre une capacité exceptionnelle sur de longues distances tout en restant très efficace sur les missions court-courriers grâce à sa faible consommation de carburant. De plus, il bénéficie de la même certification CS-25 que les avions plus gros porteurs, ce qui offre une tranquillité d’esprit aux patients et aux partenaires.
Là encore, il s’agit de trouver la solution idéale. Le 900XP est également l’un des rares avions d’évacuation sanitaire capables d’opérer sur des pistes non revêtues, ce qui représente un outil unique pour nos partenaires.
Opérant depuis Bordeaux, avec des missions sur plusieurs continents, comment assurer la fluidité de vos opérations, notamment en ce qui concerne les autorisations de vol, la coordination transfrontalière et les protocoles médicaux ?
La fluidité de vos opérations est le fruit d’une anticipation méticuleuse et d’une communication étroite. Notre centre de coordination, disponible 24h/24 et 7j/7, gère les autorisations de survol, les autorisations, la coordination au sol et les plans d’urgence, avec une forte culture de la résolution proactive des problèmes.
Mais notre présence s’étend bien au-delà de Bordeaux. En tant que membre du groupe DexFly, nous opérons désormais avec des équipes et des services basés à Paris, Bordeaux, Tunis et Monastir, ainsi que des bases secondaires, avec avions et équipages, à Lille, Lyon et Marseille.
Nous travaillons également activement à notre développement grâce aux certificats d’exploitant aérien (CTA) étrangers. Plus d’informations à venir…
Compte tenu de l’importance critique de vos missions, comment recrutez-vous, formez-vous et fidélisez-vous efficacement le personnel navigant et médical afin de maintenir un niveau de préparation et de soins aux patients élevé ?
Depuis notre fusion avec VallJet, nous avons considérablement restructuré et modernisé notre organisation. Nous avons adopté des outils plus récents et plus performants et avons étoffé notre équipe commerciale, passant de deux personnes à six personnes dédiées. Cette équipe gère désormais chaque mission du début à la fin et constitue l’interlocuteur unique de nos clients, 24h/24 et 7j/7.
Notre centre de contrôle des opérations (OCC) et nos fonctions support sont désormais partagés entre tous les AOCs, ce qui a considérablement amélioré la communication et la coordination. Plus important encore, cette structure rationalisée permet à nos clients de bénéficier d’un service plus simple et plus efficace.
Nous encourageons également fortement la promotion interne, même si cela implique des investissements coûteux en formation. L’évolution de carrière au sein du groupe est une priorité : nombre de nos dirigeants et commandants de bord actuels ont débuté comme copilotes ou comme juniors au sol et ont évolué dans leurs fonctions.
Face à l’évolution rapide des évacuations sanitaires, quelles technologies ou innovations (par exemple, avions équipés d’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO), télémédecine, modules dédiés aux soins intensifs) explorez-vous pour garder une longueur d’avance ?
Nous suivons chaque évolution des soins médicaux : l’ECMO, la dialyse et les configurations complexes en USI font désormais partie de nos compétences quotidiennes. Nos équipements, nos avions et la préparation de nos équipes reflètent ces normes.
Personnellement, je crois fermement à l’innovation. Je suis convaincu que nous sommes à un tournant dans l’intégration des technologies de la santé et de l’aérospatiale. Nous avons même cofondé une start-up de télésurveillance médicale pour contribuer à façonner l’avenir de la télésurveillance.
Après des missions à enjeux élevés, Airlec organise des débriefings approfondis. Pouvez-vous décrire vos processus d’assurance qualité et comment les retours d’expérience contribuent à l’amélioration continue des services ?
Au sein du groupe DexFly, nous disposons d’un système de gestion entièrement intégré, couvrant les activités médicales et aéronautiques. Pas moins de sept employés à temps plein sont dédiés à la sécurité, à la conformité et à la qualité.
Nous considérons ces aspects comme un moteur de performance, et non plus comme une simple exigence. Le partage ouvert d’informations est encouragé, et nous considérons les briefings et les débriefings comme des facteurs clés de réussite.
Cette culture de transparence et de réflexion est au cœur de notre objectif d’amélioration continue.
Paul est le Directeur Général de DexFly, groupe aéronautique qui comprend l’opérateur français d’ambulances aériennes Airlec Air Espace. Pilote, instructeur et examinateur avec plus de 6 700 heures de vol à son actif, il possède une vaste expérience du rapatriement sanitaire international, y compris en zones de conflit. Il a passé les 16 dernières années à diriger les opérations et à piloter la croissance stratégique d’Airlec dans le secteur aéromédical.